Bien choisir son support pour l’encaustique

L’errance de l’amateur d’encaustique dans les rayons des magasins “spécialisés”

Le commerce des beaux-arts regorge de produits destinés à toutes sortes de techniques picturales … Vous voulez peindre à l’huile ou à l’acrylique, ou réaliser des aquarelles, il n’y a que l’embarras du choix et dans toutes les gammes de prix… 

Mais voilà, vous avez jeté votre dévolu sur la peinture à l’encaustique ! Son odeur, son parfum même, la noblesse de la matière, son puissant pouvoir créatif… c’est la technique qu’il vous faut …

Alors ni une ni deux, vous voilà partis vers l’antre de la tentation, la caverne d’Ali Baba des peintres et amateurs de couleur… Cultura, Artéis, le Géant des Beaux Arts… et tant d’autres.  Après un survol rapide des rayons (non, pas le scrapbooking, ni la feutrine, ni le collage de serviettes en papier. Pas plus que les perles ou la pâte Fimo, pourtant, il y a du choix dans ces rayons…) Vous happez un vendeur, ou une vendeuse, vous lui posez la question fatidique : 

-“Où sont les peintures à l’encaustique ?” Et là, le blanc.`

– “La quoi ?

Vous répétez, vous expliquez, “la peinture à base de cire d’abeille, vous savez, cette technique antique que les peintres grecs utilisaient déjà il y a 2000 ans….”

Portrait du Fayoum utilisant de la peinture à la cire

Hawara (100110 apr. J.-C.), un des portraits du Fayoum, utilisant la peinture à la cire.

Avec un peu de chance, vous trouverez dans le rayon beaux-arts quelques supports en bois, qui conviennent parfaitement pour l’encaustique. Un petit bocal de 100 gr de cire d’abeille à un tarif exorbitant, de la résine dammar (même remarque que pour la cire) un beau choix de pigments, des pinceaux haké au rayon calligraphie. Et là le découragement vous gagne, finalement, la peinture à l’eau, ce n’est pas si mal….

Il existe déjà sur ce blog quelques articles pour vous aider à rassembler les fournitures pour l’encaustique, et des recettes pour fabriquer le médium et les couleurs. Suites aux nombreuses questions que je reçois par mail, je me dit qu’il est utile de passer en revue le matériel de base pour peindre à la cire.

Arrêtons-nous aux supports pour aujourd’hui car c’est la “base” ! Vous allez créer votre tableau, et il est important de travailler sur un support qui présente toutes les qualités de conservation : même si vous peignez pour vous et que vous n’envisagez pas de faire voyager votre travail pour des expositions, la solidité du résultat commence par l’emploi du support adéquat. Un support inadapté fragilise le tableau et vous aurez à le réparer régulièrement.

Quelles sont les qualités requises pour un support ?

Pour peindre à l’encaustique, à un tarif raisonnable, il faut donc de l’imagination (vous ne trouverez pas votre matériel au rayon “encaustique”) et quelque affinité avec le  bricolage.

Il existe deux règles simples pour reconnaître un bon support pour l’encaustique : il doit être rigide et absorbant.

Rigide, pour éviter tout mouvement de la surface qui entraînerait un décollement de la couche de peinture. La cire à laquelle on a ajouté de la résine dammar durcit avec le temps, devient cassante. Exit donc les toiles sur châssis, je détaille cette idée plus bas.

Absorbant, pour que la première couche d’encaustique que vous allez poser pénètre le support et adhère parfaitement. Cela permet aux couches suivantes, que vous aurez fusionné de s’accrocher solidement. Ainsi l’épaisseur de peinture ne se forme pas en “mille-feuilles”.

Les différents supports à utiliser

Heureusement, nous avons du choix 😉

Parmis les supports possibles, le plus courant est le bois. Toutes les sortes de bois, à condition qu’ils ne soient pas trop dur, comme par exemple les essences destinées aux extérieurs. 

Le plus simple ? Le contreplaqué pour intérieur. Généralement en bois de peuplier, il est idéal.

Différents supports pour peindre à l'encaustique

Différents supports pour peindre à l’encaustique : du contreplaqué, un châssis en bois du commerce, du carton entoilé lin naturel.

Lors des stages, mais aussi pour mon travail personnel, j’utilise principalement des planches de contreplaqué de 10 mm. Suffisamment rigide pour ne pas nécessiter de châssis, je les fais découper dans un magasin de bricolage aux dimensions désirées.

Préparation du contreplaqué : Vérifiez qu’il n’y a pas de défaut majeur (cloque, colle, trou…).

Poncez légèrement, enduisez de 2 couches de gesso à la colle de peau de lapin.

Si vous préférez un contreplaqué sur châssis, vous trouverez dans la suite de l’article comment le fabriquer vous-même.

Le plâtre et les plaques de plâtre recouvertes de papier (Placo™) sont de bons supports (quoi qu’un peu lourds) et ils nécessitent un encadrement en finition pour éviter que les bords ne s’effritent.

Préparation : Les supports à base de plâtre ne nécessitent pas de gesso.

Passez deux couches de médium encaustique.

La terre cuite, la céramique biscuitée (sans émaillage).

Préparation : 1 couche de médium encaustique

Le métal oxydé qui possède une bonne couche de rouille devient suffisamment absorbant. 

Préparation : Après avoir brossé les particules de rouille qui ne tiennent pas,

couvrez intégralement (recto/verso) de médium encaustique pour éviter toute oxydation supplémentaire.

Pose du médium encaustique sur une plaque de métal rouillé

Pour enduire votre plaque de métal, chauffez-la et passez un bloc de médium sur la surface chaude.

Le papier léger, comme le Wenzhou pour la calligraphie. On peut l’utiliser pour en faire des kakémonos à suspendre, ou des collages qui seront encadrés. Idem pour du tissus en fibres naturelles (coton, lin, chanvre…), mais il faut rester dans des dimensions raisonnables si on ne les maroufle pas sur un panneau rigide.

Préparation : aucune.

Et les toiles à peindre du commerce ?

En règle générale, je ne le conseille pas… pour deux raisons :

Le gesso : La plus importante à mes yeux est que  l’enduction, ou gesso, est à base de résine acrylique, peu absorbante. La première couche de cire que vous passerez ne pénètre pas dans la toile. La conséquence probable est le décollement du feuil d’encaustique, et un tableau qui au bout d’un certain temps risque d’avoir l’air d’être mangé par les mites.

La souplesse de la toile : La  seconde raison est que la toile peut se déformer surtout si le châssis n’est pas épais, et induire le même genre de problème : décollement, écaillage sur les bords… La couche d’encaustique (qui contient de la résine dammar) devient très dure et cassante avec le temps.

Il y a pourtant quelques possibilités pour peindre sur toile :

Les petits formats (max. 25 x 25 cm) : ils ne subissent pas les mêmes contraintes que les grands châssis entoilés. Poncez les avant usage, et ajoutez deux couches de gesso à la colle de peau.

Les toiles “naturelles” du commerce avec une enduction transparente légère. Elle est plus absorbante que le gesso blanc. On trouve aussi de la toile à peindre au mètre non apprêtée, à choisir de préférence en lin, sur laquelle vous pouvez appliquer un gesso à la colle de peau de lapin.

Le papier aquarelle marouflé : Vous pouvez améliorer la porosité de votre surface en marouflant du papier aquarelle. C’est assez technique, mais vous trouverez des tutoriels sur Internet, comme ici https://www.beauxarts.fr/blog/comment-maroufler-un-papier-sur-une-toile–n60

La toile à peindre marouflée : Si c’est la texture particulière de la toile qui vous attire, il est également possible de maroufler de la toile vierge sur un contreplaqué. Selon les dimensions de votre support à peindre, il faudra ajouter un châssis au dos pour rigidifier l’ensemble. Attention, les cartons entoilés ne conviennent pas : ils se courbent sous l’effet de la tension provoquée par les couches d’encaustique. L’encadrement : Enfin, si vous encadrez votre tableau, plutôt dans une caisse américaine, il sera mieux protégé des aléas décrits plus haut.

Tableau encadré en caisse américaine ©Sophie Van Moffaert

Tableau sur contreplaqué encadré dans une caisse américaine. ©Sophie Van Moffaert

La solution : les supports sur mesure

Même si cela occasionne du travail supplémentaire, il est vraiment satisfaisant d’avoir réalisé son tableau de bout en bout… De la fabrication du châssis à la pose finale de votre signature, tout est de vos mains !

En fabricant les supports, vous contrôlez le processus de A à Z. Vous avez l’oeil sur la qualité, vous choisissez les dimensions, l’épaisseur du cadre. Et cela revient beaucoup moins cher que de se procurer des panneaux “prêts à peindre”. 

On peut se contenter de peindre sur le contreplaqué, tel quel. Dans ce cas, il faudra prévoir des finitions sur les côtés et un système d’accrochage qui ne risque pas de transpercer le tableau.

La solution la plus esthétique est d’ajouter un « châssis » sous le panneau de contreplaqué afin de lui donner de l’épaisseur.

Fabriquer ces supports ne s’improvise pas au milieu des pains d’encaustique et des mirettes.  Il faudra réserver même temporairement un coin de votre espace de travail à cette activité.

Série de châssis préparés à l’atelier.

RV au Brico

Le matériel

La solution la plus économique est de faire découper un panneau de contreplaqué de 5 mm ou 10 mm dans votre magasin de bricolage. Achetez la plaque entière (250 x 122 cm) et demandez (gentiment) au préposé de vous la débiter. Il est utile de lui préparer un “plan de découpe” assez simple, qui comporte des lignes droites. En voici un exemple :

Si vous travaillez toujours sur les mêmes dimensions, comme du 30 x 30 cm, cela facilite la tâche : le panneau sera débité en 8 x 4 (=32) petits panneaux. 

Procurez-vous des tasseaux de 240 x 3 x 1 cm, ou de mesures approchantes. Pour faire un châssis sur un panneau de 30 x 30 cm, il faut environ 130 cm de tasseau.

L’équipement basique :

  • Une scie à onglet, manuelle ou électrique
  • Une équerre, un mètre, un crayon
  • Une agrafeuse cloueuse, ou un marteau et des clous sans têtes, un chasse-clous.
  • De la colle à bois, de la pâte à bois pour boucher les éventuels trous
  • Du papier à poncer.
  • Des lunettes de protection.

équipement basique pour fabriquer ses châssis

Agrafeuse électrique, équerre, scie à onglet, mètre,
marteau, clous sans tête, papier à poncer, colle, pâte à bois

L’équipement complémentaire

  • Une presse à cadre, utile si vous préférez les coupes à 45° dans les angles.
  • Une agrafeuse d’angles pour encadrement, utile pour consolider les angles à 45° avec des agrafes en V

Presse à cadre et système simple de pose d’agrafes en V

Comment procéder ?

Une fois vos panneaux découpés, il suffit de les coller et clouer sur les tasseaux à la bonne dimensions, en soignant les angles. Portez votre attention sur les dimensions, en mesurant la longueur nécessaire à chaque coupe. La découpe au rayon bois n’est pas toujours précise, et vos panneaux peuvent différer les uns des autres de quelques millimètres.

Quand la colle est sèche, poncez les bords et les angles pour les adoucir, bouchez les espaces avec de la pâte à bois.

Vous trouverez ci dessous l’explication extraite de mon livre “Peindre à l’encaustique” Ed. Eyrolles.

Ces schémas concernent un châssis dont les tasseaux sont sciés à angle droit.

Extrait de “Peindre à l’encaustique” Ed. Eyrolles

Afin d’éviter les mauvaises surprises, et parce que vous allez passer un temps précieux à bâtir vos supports pour l’encaustique, soyez vigilants sur la qualité du contreplaqué. Ne passez pas l’étape “colle” ou “clous”. Il faut utiliser les deux systèmes pour ne pas que dans le temps le panneau ne se désolidarise du châssis. 

A vous de jouer !

Et voilà ! Vous avez les clés pour fabriquer vos châssis pour l’encaustique. Bien sûr, cela ne se fera pas tout seul, et vous aurez à investir dans l’équipement de base. Mais, la joie de travailler sur ses propres supports et la qualité de ceux-ci ne peuvent que vous encourager…

Si toutefois, et pour de multiples raisons vous ne voulez pas passer par ce stade de fabrication, vous pouvez toujours trouver des panneaux prêts à peindre. Voici quelques adresses.

Et si vous connaissez un artisan menuisier, peut-être est-ce le moment de lui rendre visite et de lui demander un devis !

Si vous avez aimé cet article, Google et moi sommes très friands de commentaires… merci ! Scrollez encore un peu, et vous trouverez la case pour me laisser un petit mot, ou poser une question…



12 réflexions sur “Bien choisir son support pour l’encaustique”

  1. Bonjour Sophie,
    Les panneaux de MDM (à la découpe dans tous les magasin de bricolage) conviennent-ils comme support… ?
    J’ai un doute sur leur capacité d’absorption…

    S’ils ne conviennent pas directement (j’en ai un stock), est-il possible de les adapter à la peinture à l’encaustique en les préparant au gesso à la colle de peau ?
    Merci !

    1. Bonjour Yssée
      Je n’ai jamais peint sur du MDF… mais je sais que certains le font. C’est sans doute une bonne idée de mettre une sous-couche de gesso à la colle de peau, et de faire quelques tests de “résistance” avant de réaliser une oeuvre. Si vous faites ces essais, je pourrai compléter l’article avec vos conclusions…Merci à vous !

      1. Le MDF est poreux, mais aussi saturé en résine. -> Je vais tester…
        Mais je suis intéressée de savoir quel genre de tests de “résistance” je peux mener : je manque d’expérience pour cela. 🙂
        merci.
        I.C.

        1. IL faut malmener un peu les planches de tests… voir si l’encaustique tient bien sur les bords, si elle ne se décolle pas aux chocs, par exemple en tapant à l’arrière de la planche. Bref, des gestes déconseillés en temps normal !

          1. Bonjour !
            Suite à ma question de cet été, je souhaitais comme convenu faire un retour d’expérience au sujet de l’utilisation du MDF comme support.
            J’ai (un peu) expérimenté ce support, et je n’y ai pas vu d’inconvénient. MAIS : a) je suis débutante, b) je n’ai pas des siècles de recul pour juger de la pérennité… 🙂
            Cela dit, le support prend un aspect « mouillé » qui semble indiquer que la première couche de cire pénètre. Pas de décollement en vue jusque là.

          2. Bonjour !
            Merci de ta contribution Yssée… je pense en effet que le mieux, c’est d’essayer… Le MDF a l’avantage d’avoir des bords nets par rapport au Contreplaqué qui nécessite une finition de propreté. Bon travail et belles créations !

  2. martine rastello

    Merci, Sophie, pour tous ces renseignements très détaillés et pédagogiques ! Tout cela réactive bien un certain nombre de choses que tu enseignes dans tes stages que je recommande fortement !
    J’espère que ce confinement te permet de travailler sur tes propres créations et que la vie normale pourra reprendre bientôt.
    Amicalement,
    Martine R

    1. Merci Martine ! Je travaille à mes propres créations, un peu, mais surtout je cherche des moyens pour pouvoir continuer mon activité ! Ce n’est pas encore gagné… J’espère recevoir bientôt des images de tes créations… Amicalement Sophie

  3. BESSIERE Martine

    Merci Sophie pour toutes ces précieuses informations !
    J’ai trouvé très intéressant la possibilité de maroufler du papier aquarelle sur des toiles. (j’ai un stock de toiles dans mon atelier qui ne servent plus…)
    Grâce à ton livre, j’avais déjà appris à préparer les supports en bois mais ça prend un temps fou et le résultat n’est pas toujours précis (je ne suis pas très bien équipée !)… J’ai trouvé sur internet, chez Creavea et chez Daveliou, des chassis en 3 D à des prix raisonnables (finalement, pas beaucoup plus cher que le coût plaques de bois + tasseaux chez Bricorama)
    Je te souhaite un confinement créatif !
    Bien amicalement
    Martine

    1. Merci Martine pour ton commentaire ! Et des renseignements supplémentaires que tu apportes.
      Fabriquer ses châssis est surtout intéressant lorsqu’on veut des dimensions hors standard, ou des plus grands formats…
      Je te souhaite à toi aussi un confinement créatif… Amicalement – Sophie

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